Les nouveaux clochers
2024
Les nouveaux Clochers est un projet qui interroge le paysage actuel au travers des éléments qui percent l’horizon. Autrefois, seuls les clochers dépassaient de la campagne ou de la ville et guidaient le voyageur qui pouvait les apercevoir de loin. Depuis le début de l’ère industrielle, un nombre sans cesse constant de constructions verticales vient s’ajouter aux églises. Les nouveaux clochers sont autant de jalons qui marquent une rupture, tant dans la linéarité des paysages que dans l’époque qu’ils traversent.
L’idée du projet est née d’un voyage à vélo en Bretagne. J’ai constaté assez vite que chaque village qui jalonnait mon itinéraire était facilement observable, de loin, grâce au clocher qui dépassait du centre bourg. De proche en proche, je pouvais ainsi aisément dessiner mon itinéraire sans avoir à regarder la carte trop souvent ou m’accrocher à mon gps. J’ai donc imaginé que c’est peut-être déjà ce que les personnes faisaient à une époque lointaine, pour reconnaitre leur chemin quand ils se déplaçaient à pied ou à cheval. Les clochers occupaient une double fonction : ils représentaient un repère à la fois religieux, ecclésiastique, à la fois visuel, « orientationnel ».
Et puis j’ai étendu mon champ de vision. Les repères visuels ne se cantonnaient pas à des clochers d’églises. Ce sont d’abord des grandes antennes relais qui émergeaient de l’horizon, puis les silos à grain des élevages intensifs, les châteaux d’eau, les éoliennes. En observant d’autres régions, j’ai aperçu des cheminées, des centrales thermiques, des tours d’immeubles. Le vocabulaire vertical qui coupe l’horizon du paysage s’est largement étoffé depuis le début de l’ère thermo-industrielle. Autant de marqueurs qui remplissent la même double fonction que les clochers d’alors : « orientationnelle » toujours, mais ils sont également le témoin d’une nouvelle religion, celle du capitalisme. Ce mélange typologique souligne une transition remarquable entre plusieurs époques, et cet ensemble cohabite tout juste au-dessus de la ligne de l’horizon.
J’ai choisi de construire ce projet sous forme de déambulation, car j’avais besoin de me sentir guidé par les nouveaux clochers. Un point de départ connu, une arrivée inconnue. Le parcours est défini spontanément, aléatoirement. Le vélo comme moyen de transport était assez évident. Premièrement c’est à vélo que ce projet a été imaginé. Ensuite il permet de parcourir des distances assez importantes, en étant léger mais en pouvant transporter sans se fatiguer beaucoup de matériel. La vitesse également, est idéale. Enfin, il représente un moyen de transport sobre, qui s’aligne avec ma conscience écologique.
Le choix est fait préalablement de ne rien prévoir, ni plan de parcours ni attentes préétablies. L’histoire s’écrit au fur-et-à-mesure, pas à pas. L’objectif est la découverte et la spontanéité. Une observation naïve, qui trouve une cohérence dans sa proximité, dans le caractère intrinsèque du territoire parcouru. Ce voyage invite enfin à poser un temps tous nos instruments de guidage qui brouillent nous sens, notamment celui de l’orientation, pour nous reconnecter à l’observation.
















